Votre sentence est irrévocable : vous quittez l’aventure
après 3 jours de maternité !
Pourquoi une telle idée ?
Si l’ère du temps impose qu’on se serre la ceinture (et là, y’en
a qui ont quand même le froc super large, donc une belle marge avant de se
sentir étriqué), il ne faut pas oublier qu’un accouchement, c’est pas un truc « bateau »,
genre t’accouches tous les 3 jours.
Non, un accouchement, c’est 9 mois (dans les meilleurs cas),
durant lesquels tu es quand même passée (je m'adresserai aux mamans, mais j'invite tous les papas à poursuivre la lecture) par pas mal d’états différents et pas toujours
les plus sympas.
Après l’euphorie de la nouvelle (pour les couples qui
souhaitent un enfant – je vais exclure les « accidents de parcours »,
les bébés adultérins et les autres cas extrêmes), après avoir annoncé la future
naissance à ta famille (qui peut avoir des réactions surprenantes), à tes amis
(qui vont te dire le classique « Profites-en, parce qu’après c’est foutu ! »),
et à ton patron (qui ne voit pas ça comme une bonne nouvelle), tu essaies de te mettre dans la peau d'une maman, et tu ne sais pas encore vraiment de quoi tu seras capable.
Le deuxième trimestre de grossesse, c’est l’arrivée des kilos
(que tu justifies en mangeant 2 fois plus, malgré les recommandations de ton
gynéco qui te dit que tu ne dois pas augmenter les quantités), c’est le ventre
qui s’arrondit (enfin, on comprend pourquoi tu regardes les gigoteuses dans les
rayons – enfin, tu peux gratter des places lors du passage à la caisse), c’est
les joues qui s’arrondissent elles aussi (et tu entends en rafale « Oh, tu
as une mine épanouie ! »)…
Le troisième trimestre, tu galères à bouger tes 12 kilos
supplémentaires (et c’est pas fini), l’odeur de cuisson t’écœure, tu ne rentres
plus dans rien, tu n’es pas bien quand tu t’assois, ni quand tu te couches, ni
quand tu restes debout, et surtout, tu attends l’accouchement avec une
impatience que personne d’autre que toi ne peut comprendre, ressentir,
expliquer et vivre…
Et le jour J arrive, enfin ! Tu as préparé ta valise
avec des tonnes de choses qui ne te serviront pas (c’est comme pour les
vacances, tu mets ton armoire dans ta valise, alors que tu vas alterner entre
les deux shorts qui te vont le mieux et la robe la plus confortable… Et tu
auras d’ailleurs fait plus de place pour tes affaires en demandant à ton mari
de ne pas exagérer sur les fringues, en lui expliquant que LUI, il met toujours
la même chose- mais pas toi et à ce moment là, tu y crois vraiment). En maternité, à part les culottes et les pyjamas, tu n'auras pas besoin de grand chose pour toi. Je ne pense pas qu'ils aient prévu une super fiesta dans le service, spécialement pour toi.
Ton homme est excité lui aussi, impatient, mais il a les
chocottes quand même (surtout si c’est le premier), car il va falloir qu’il
assure déjà plusieurs jours sans toi (tu seras à la maternité), il va falloir
qu’il soit en forme quand tu reviens (tu comptes sur lui pour tout ce qu’il ne
fait pas d’habitude) et il va surtout être un papa pour de vrai… (Je ne
parlerai que des cas de 1er enfant.)
Donc le jour J, finie la mine épanouie, finis les rondeurs
assumées et tout ce qui faisait de toi une femme qui n’avait d’autre choix que
celui de grossir et de te déplacer comme une baleine boiteuse (imaginons). Non,
bébé arrive et il ne pèse que 3 kg (ce que tu ne comprends pas, car tu en as
pris 15…)
Et l’équipe médicale qui t’accueille, t’entoure, te rassure
et te conseille, va tout faire pour que tu te sentes bien dans ce service de
maternité. Oui, parce que toi, c’est ton premier bébé, et tu t’en moques que l'infirmière grincheuse elle ait déjà assisté à la naissance de 5000 enfants avant le tien,
parce que le tien, il est unique et c’est le premier.
Et en binôme avec la grincheuse, y’a heureusement la gentille
(je caricature, et j’autorise toutes les sages-femmes et infirmières à se
placer du coté de la gentille !). Elle a une voix douce, des gestes
attentionnés, elle te demande si tu vas bien, elle te conseille de faire ci ou
ça, elle te raconte des anecdotes pour te détendre…(Bref, elle tu l’aimes et c’est
ta meilleure amie. Et tu es persuadée que tu garderas le contact avec elle
toute la vie et que vous ferez des barbecues ensemble, en regardant bébé
grandir…)
Tu as accouché, tu es épuisée, tu as les traits tirés, tu es
dans ta cape de fantôme transparente, avec le cul à l’air (mais personne ne le
voit tant que tu ne bouges pas de ton lit – on te promet de pouvoir mettre ton
pyjama tout neuf d’ici peu), papa est comblé (il porte bébé et le regarde avec
amour, il a déjà oublié que tu as galéré pendant quelques heures pour qu’il
puisse porter cette petite merveille – et lui il est habillé), la famille va
arriver (avec des fleurs que tu ne laisseras pas dans la chambre et des
chocolats qui vont t’écœurer) et tu fais aussi la connaissance de ta voisine de
lit, celle qui partage la chambre avec toi (parce que les chambres
individuelles ça coute une blinde et les mutuelles sont rares à prendre en
charge les dépassements).
Comme la voisine était là avant toi, elle estime que la
télévision que vous partagez, c’est un peu plus la sienne que la tienne, donc la télécommande
aussi. Pas de bol, elle est fan de tout ce que tu détestes et pas de bol,
on capte NRJ 12… (Tout est dit !)
Tu ne vas pas tarder à faire la
connaissance de sa famille, de son mari un peu lourd (parce qu’il fait des blagues
que lui seul comprend), de ses gosses turbulents (ceux auxquels elle dit 20
fois de parler moins fort parce que bébé dort et qui finissent par prendre une
tarte, parce que bébé s’est réveillé),
les grands-parents maternels et paternels (qui auront mis leurs habits
du dimanche)…Bref, un nouveau monde s’offre à toi. Là où tu sais que tu tiens
ta vengeance, c’est que comme elle était là avant toi, elle va donc partir
avant toi. A toi la télécommande !
Vu comme ça, on pourrait penser que c’est une bonne idée de
te mettre dehors au bout du 3ème jour, et de ne pas attendre le 4ème
ou le 5ème jour après l’accouchement.
Mais non, en fait, toi, tu es maman depuis 3 jours, tu as
pris 10 ans durant l’accouchement, parce que tu as tout donné (oui, tout !)
et tu as besoin de te reposer. D’ailleurs, pour te le permettre, les
infirmières (surtout la gentille), te proposent de prendre bébé la 1ère
nuit, parfois la 2ème, pour que tu sois en forme le lendemain. Tu
commences à comprendre au bout du 3ème jour comment il faut tenir
bébé quand tu lui donnes le bain, tu comprends aussi que la gigoteuse s’enfile
d’abord par les jambes, et tu as aussi compris comment mettre bien la couche
pour ne pas avoir à changer la gigoteuse toutes les 3 heures…
Tu es à peine prête à assumer ton rôle de maman, que la
grincheuse (oui c’est elle qui te fout dehors, ça colle mieux avec l’image) te
dit « Vous n’avez pas encore rangé vos affaires ? Vous sortez à 11h, va
falloir s’y mettre. » Fin de l’apprentissage. Tu es opérationnelle, il en
a été décidé ainsi…
Alors tu fais ta valise (et tu t’aperçois que j’avais raison,
t’as pas sorti un tiers de ce que t’avais préparé), tu te regardes dans le
miroir de la petite salle de bain, et tu remarques tes traits tirés, et la
fatigue lisible sur ton visage (encore plus avec le néon trop puissant qui sert
d’éclairage). Tu fais un effort pour paraître un peu plus en forme (tu te
maquilles, tu te coiffes et tu remarques que tu perds tes cheveux), et tu t’en
vas.
Tu comprends alors que la gentille ne pourra pas être ta meilleure amie,
que la grincheuse était finalement pas si méchante que ça, que la voisine (qui
vient d’arriver) va pouvoir prendre le pouvoir sur la télécommande, et que
cette chambre va te manquer, malgré tout ce que tu as pu en penser jusque là…
Dans le fond, la réforme ne se soucie pas de savoir ce qu’en
pensent les mamans. L’Assurance Maladie mise sur un « tout va bien se
passer après», et j’espère sincèrement qu’il en sera ainsi si l’on réduit
le temps de passage en maternité à 3 jours. Mais je déplore cette idée de
toujours vouloir tirer vers le bas. S’ils font moins ailleurs, alors nous aussi
on doit pouvoir le faire. Non, peut-être que ce sont aux autres de faire comme
nous !?
Durant votre lecture (si vous n'avez pas sauté de paragraphes et si vous n'avez pas été dérangé), il y a eu 3 naissances!
(Cet article est écrit avec un ton sarcastique parfois, mais
je tiens tout de même à signaler que j’ai un profond respect pour le personnel
infirmier et que je garde un excellent souvenir de mes passages en maternité.)